L’Aire protégée du Nevado de Toluca constitue, à l’échelle du Mexique, un château d’eau : l’eau y est une ressource majeure du fait de caractéristiques physiques et climatiques. Les roches poreuses (principalement des andésites et des basaltes) qui constituent le sous-sol du volcan permettent à l’eau de s’infiltrer dans les nappes phréatiques. Les précipitations y sont plus fortes du fait de l’altitude par rapport au fond de vallée. Dans le Nevado, la communauté ejidale est le principal acteur responsable de la gestion de l’eau pour les communautés du Nevado, ce qui a pour conséquence une gestion fragmentée de l’eau qui ne prend pas en compte les découpages hydrologiques.
Une gestion de l’eau fragmentée
La ressource en eau est exploitée par les communautés rurales qui vivent au sein du Nevado de Toluca, mais également par les agglomérations voisines. La ville de Toluca, capitale de l’État de Mexico, grande agglomération industrielle en pleine croissance démographique est très consommatrice en eau. Plus indirectement, le DF bénéficie aussi de la ressource en eau du Nevado de Toluca.
À l’unité physique du château d’eau pourrait correspondre une gestion de la ressource hydrique à l’échelle de l’Aire protégée. Il n’en est rien. Certes, certains outils mis en place, comme la constitution de conseils de bassins pour les deux bassins versants du Nevado, vont dans ce sens. Mais, parmi les différents acteurs qui jouent un rôle dans la gestion de l’eau, ce sont les communautés ejidales qui ont un pouvoir à la fois gestionnel et décisionnel. Les autres acteurs ne jouent un rôle que consultatif ou prospectif, en tout cas mineur dans la gestion de l’eau, à l’exception de l’État fédéral. En effet, le droit mexicain fait de celui-ci le seul propriétaire de l’eau : celle-ci est donc reconnue bien de la nation. Historiquement, lors de la création des ejidos au sein du Nevado (régis donc par le droit communautaire) ceux-ci ont obtenu des concessions de la part de l’État fédéral afin d’exploiter et de gérer les ressources en eau qui dépendent de leur territoire. Ces accords juridiques signent l’établissement d’un contrat hydrosocial entre les autorités politiques et la société.
La gestion de l’eau dans le Nevado de Toluca est le fait principalement de la communauté ejidale : gestion des sources, des réseaux d’approvisionnement et d’assainissement des espaces résidentiels, prix de l’eau, aménagements et infrastructures pour l’irrigation des terres. Les comités de l’eau (potable ou pour l’irrigation) sont les organes principaux de gestion de l’eau. À l’échelle du Nevado, cette gestion fragmentée est peu source d’inégalités, notamment en ce qui concerne le prix de l’eau : la richesse en eau permet à l’ensemble des comités de maintenir un prix relativement bas. Mais le partage des nappes phréatiques, des cours d’eau de superficie, et la discontinuité des terres ejidal font de la coopération ou de la confrontation entre communautés une nécessité. Les modalités de cette collaboration – sous forme de conflits, de tensions, de partage harmonieux des tâches d’entretien et des infrastructures — constituent une clé de lecture pour analyser la gestion, plus ou moins réussie, de l’eau dans deux communautés : San Pedro Tejalpa et San Juan de Las Huertas.
Les découpages des bassins versants et des microbassins ne sont pas pris en compte par la gestion de l’eau. En effet, les territoires administratifs des ejidos ne correspondent en rien à la structure physique du réseau hydrologique. Les terres ejidales sont souvent discontinues et les cours d’eau partagés entre les ejidos. C’est le cas de la communauté de San Juan de las Huertas : la localité en elle-même, c’est-à-dire les espaces résidentiels, se situe en dehors du Parc, en zone urbaine. L’ejido possède plusieurs terres à l’intérieur du Parc, sans continuité entre celles-ci. Cette fragmentation des terres communautaires complique la gestion de l’eau puisque plusieurs cours d’eau naissent et/ou passent à l’intérieur les territoires de San Juan : Río la Fabrica, Río Tejalpa, Río San Pedro, Río la Comunidad.
Le Nevado de Toluca s’apparente à un lieu de production et de réserve en eau : cette ressource naturelle y est présente en grande quantité et bonne qualité. Dans le bassin versant du Balsas, qui correspond à la région hydrologique 12, 86 % de la production d’eau provient du Nevado de Toluca (les bassins versants dépassent les limites du parc national). Bassins versants et microbassins représentent, à une échelle macro et micro, les unités physiques correspondantes au réseau hydrologique. L’expression de « château d’eau » permet de révéler la représentation que les habitants du Nevado et des zones urbaines voisines se font de la ressource en eau du volcan. Il n’a pas été possible de représenter le réseau des nappes phréatiques souterraines, faute de données.