Les différents entretiens que nous avons menés font émerger différents facteurs contribuant à augmenter le nombre d’enfants déscolarisés. On peut les regrouper selon une typologie en trois temps :
- Des difficultés d’accès : le problème des transports
Pour les communautés qui n’ont pas sur leurs terres d’infrastructures de niveau secundaria ou preparatoria, deux types de cas existent : les communautés qui disposent d’un ramassage scolaire sont favorisées. Celles qui en sont dépourvues sont souvent les plus pauvres (El Varal, La Cañada, La Puerta) : les habitants doivent s’organiser entre eux pour emmener les élèves ou bien les enfants s’y rendent à pied. Il est évident que ces condi¬tions matérielles difficiles ont un impact sur l’abandon scolaire des enfants après la primaria. L’exemple le plus explicite d’après nos entretiens est celui de la communauté d’Agua Blanca, qui compte un jardin d’enfants (avec 9 enfants) et une école primaire (avec 15 enfants). L’école secondaire se situe à Las Palmillas, à environ 1 h à pied, sans aucun système de bus scolaire. Les 7 élèves de la communauté doivent se débrouiller pour s’y rendre.
- Des raisons économiques : travailler rapidement pour gagner de l’argent
Nombreux sont les élèves qui arrêtent l’école parce qu’ils doivent travailler pour compléter les revenus des parents. Le delegado de La Puerta, Rodrigo Esquivel Estrada résume la situation. Le taux de déscolarisation est élevé, en raison des problèmes économiques principalement. « Ils sont nombreux à arrêter » pour se consacrer aux travaux des champs ou pour les filles à la tenue du foyer. Souvent les maîtres et maîtresses parlent d’un manque d’intérêt des élèves pour l’école primaire par rapport aux possibilités de gagner de l’argent. La com¬munauté de La Cañada est un parfait exemple de l’impact négatif que peut avoir une forte offre d’emploi sur la scolarisation des enfants. La proximité d’une usine de gaz génère des emplois qui attirent les jeunes. Dans cette communauté, il existe de très nombreux cas d’analphabétisme : la maîtresse interrogée, Maricarmen nous affirme que « majorité des parents ne sont pas allés au-delà de l’école primaire. Certains ne savent ni lire ni écrire ».
- Le facteur familial : les filles se marient jeunes et restent au foyer après
Même s’il est moins ressorti lors de nos entretiens, on ne peut le négliger. La maîtresse de la primaria à La Cañada, Maricarmen nous explique la majorité se marie très jeune, entre 14 et 16 ans. À partir de cet âge-là, « les enfants en ont marre de l’école », ils préfèrent « se consacrer à autre chose ». De même, une fois les jeunes filles mères, elles arrêtent dans la grande majorité leurs études.
Ces trois facteurs viennent rendre compte de la complexité de la question de la déscolarisation à l’échelle du Nevado. Même si la distance à Toluca joue un rôle non négligeable, elle n’est pas le seul critère opérant, il faut y ajouter les facteurs socio-économiques et l’accessibilité. De même, il nous faut rester prudents dans la mobi¬lisation de cette dernière donnée. Si l’éloignement joue un rôle dans la déscolarisation, il n’est pas pour autant toujours synonyme d’une éducation moins bonne. En effet, certaines communautés de la couronne de Toluca souffrent davantage de la proximité de la grande ville : les familles aisées envoient leurs enfants étudier à Toluca dès la primaria ou la secundaria, d’où un niveau sur place moins bon. Au contraire, certaines communautés reculées ont un système éducatif performant, avec des infrastructures adaptées et un taux de scolarisation important.