Le départ vers les États-Unis



Aucune région ne se détache de manière exceptionnelle. La côte nord-ouest du Mexique est peu touchée par la migration états-unienne, contrairement au centre.
Rien de marquant non plus dans l’aire protégée du Nevado. Le taux de migrants est assez faible, contrairement à ce que l’on pourrait penser. L’image d’une zone rurale en difficulté, où les personnes doivent fuir aux États-Unis pour vivre, est quelque peu faussée. La partie est du Nevado a même un taux très faible. Faut-il y voir l’influence de Toluca, qui drainerait les populations en quête de travail sans avoir à changer de pays ? L’hétérogénéité de ce territoire met en valeur la difficulté d’appréhender le phénomène de migration internationale, qui varie rapidement d’une zone à l’autre et d’une personne à l’autre.

Partir pour avoir un chez-soi

Les raisons économiques du départ de M : une réalité pour beaucoup de Mexicains.
M. a décidé de quitter le Mexique dans les années 1980 pour chercher un travail bien payé aux États-Unis. Peu d’opportunité de travail existait alors au Nevado. Avec l’argent mis de côté, elle voulait construire sa propre maison, ne plus devoir vivre chez sa mère avec ses deux enfants.
Cette situation économique pousse encore aujourd’hui beaucoup de Mexicains à aller temporairement aux États-Unis. Un vrai système migratoire existe entre ces deux pays : 90 % des migrations mexicaines se font vers les États-Unis. En 2008, El Pew Hispanic Center estime à 12,7 millions le nombre de migrants mexicains vivant aux États-Unis, ce qui représenterait 32 % des immigrés de ce pays.

L’évolution de la migration états-unienne : modification du profil du migrant et crise économique
M. est représentative des nouveaux profils de migrant. En effet, les femmes ont une place plus importante dans la migration depuis 50 ans. Elles ne partent plus seulement pour rejoindre leur conjoint, mais aussi pour devenir indépendantes économiquement, comme c’est le cas de M., ou échapper aux pressions sociales.
Cependant, les difficultés se sont accrues. Depuis quelques années, les États-Unis connaissent une crise économique qui a des conséquences néfastes sur la précarité de l’emploi des migrants. Le travail est plus rare, moins bien payé. Le frère et la sœur de M. envoient moins de « remesas » qu’avant. De nouveaux types de migration se développent alors, comme c’est le cas de celle Mexique-Canada réglementée par des cadres juridiques.

La migration vers les États-Unis

Le trajet du Mexique aux Etats-Unis, la descente aux enfers

 

« Les gens doivent beaucoup marcher, ne peuvent pas manger ni boire beaucoup pour ne pas avoir besoin d’aller aux toilettes, du coup ils mangent très peu... Et alors c’est... l’enfer. J’ai goûté à l’enfer »

 

« Nous n’avions pas mangé pendant un jour et une nuit, oui, et... Nous sommes allés dans une camionnette, où on devait tenir avec beaucoup, beaucoup de personnes... Et malheureusement, on nous a mis près du pot d’échappement de la voiture, et comme notre trajet était très long, et que les gens étaient très lourds, tout notre dos a été brûlé par la paroi de la voiture. Et les brûlures de notre peau nous ont fait des ampoules horribles. À cause de la chaleur. Et là-bas, après, les membres de notre famille nous attendaient. Ça n’a pas été facile, parce qu’ils ne savaient pas où on était. Et... On avait très envie d’aller aux toilettes, on ne savait pas parler anglais... »

L’arrivée : entre déracinement et recréation de l’espace familiale du Nevado

Les États-Unis, ou la perte des repères habituels
Lorsque M. est arrivée en Pennsylvanie, elle s’est sentie perdue. Elle ne comprenait pas la langue anglaise, devait fuir les policiers, et cohabitait avec une dizaine de personnes dans un logement relativement réduit. Il fallait rapidement trouver un travail, ce qu’elle fit tout d’abord au McDonald’s, puis dans d’autres restaurants et dans un club de golf. Les horaires étaient souvent écrasants, mais permettaient de faire de plus grandes économies.

La reformation du cercle familial mexicain
Pour autant, M. n’a jamais été seule dans son périple. Lorsqu’elle a quitté le Mexique, c’était en sachant qu’elle rejoindrait de la famille. Un ami de son frère l’a aidée à trouver un travail. Les immigrés mexicains se retrouvaient pour cuisiner leurs plats traditionnels plusieurs soirs par semaine. Aujourd’hui, M. a encore son frère et sa sœur aux États-Unis. Son fils compte y partir prochainement pour mettre de l’argent de côté.
Le migrant mexicain est donc dans un perpétuel mouvement entre rejoindre/faire venir/retourner vers la famille. En vivant cette expérience transnationale, c’est comme s’il avait le don d’ubiquité. Il est entre deux mondes, entre deux territoires : le Mexique, espace auquel il pense sans cesse, reste connecté en envoyant des « remesas » et qu’il recrée une fois la destination étrangère atteinte, et les États-Unis, lieu de vie durant plusieurs mois ou années.
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