Des systèmes fonciers communautaires d’origine préhispanique





L’aire de protection de la faune et de la flore du Nevado de Toluca comprend plusieurs systèmes fonciers. Pour comprendre leur organisation, il est nécessaire de présenter leur évolution depuis l’époque préhispanique jusqu’à aujourd’hui.



Période préhispanique (García, 2000)

Il existe au Mexique des preuves de la présence de chasseurs-cueilleurs provenant d’Asie entre 10 000 et 12 000 av. J.-C. Ces groupes ont possiblement été témoins de la dernière éruption du Xinantecatl. Des siècles plus tard, les premières sociétés sédentaires se sont développées et quatre groupes ethniques se sont installés autour du volcan : les Matlazincas, les Otomíes, les Mazahuas et les Nahuas (Sugiura, 2011 : 249-250). Ils ont construit dans la vallée de Matlazinco de grandes villes et villages comme Teotenango et Calixtlahuaca parmi d’autres encore non explorés.

Le Nevado de Toluca, Temps long-Chronologie

Groupes linguistiques au XVIe siècle

Au XVe siècle, des groupes seigneuriaux bien différenciés étaient installés dans la vallée de Toluca. Les principales activités économiques des villages étaient l’agriculture, l’exploitation forestière, la chasse et la pêche. Durant la colonisation, cet espace géographique était appelé « la province matalginga » ou « matlatzinca » en référence au principal groupe linguistique de la zone (García, 2000).

Durant la période préhispanique, la population matlatzinca prédominait la vallée de Toluca et les alentours du Xinantécalt. Aujourd’hui, seul un village matlatzinca persiste, celui de San Francisco Oxtotilpan. Il appartient à la municipalité de Temascaltepec et se trouve au nord-ouest du Nevado de Toluca, dans le bassin versant de Balsas.
Le schéma d’organisation du village est semi-dispersé : à côté de chaque maison se trouvent les champs de culture. Les terres de San Francisco Oxtotilpan faisaient partie de l’hacienda la Gavia durant la colonisation.

La propriété foncière communautaire
Selon García (2000), l’économie mexica est la plus connue parmi les groupes mésoaméricains. Les études indiquent que le capulli désigne le contrôle communautaire de la terre bien que d’autres formes de propriété soient connues : certaines terres sont assignées aux nobles et aux guerriers tandis que d’autres, appelées tecpantlalli, appartiennent à la personne qui gouverne (Sema 2006 : 239-240).

Le foncier agricole à San Fransisco Oxtotilpan

Période coloniale

Durant la conquête espagnole, la vallée de Toluca fut une des dernières zones à être colonisées en 1521, avant la prise de Tenochtitlan. Hernán Cortés identifia les seigneurs indigènes et leurs villages, et les répartit à la charge des officiers espagnols (conquistadores) à partir de 1526 (García, 2000). Les terres furent destinées à l’agriculture, notamment à la culture du blé, et à l’élevage. En parallèle, le processus de distribution des terres fut initié, une partie destinée aux indigènes et la majorité aux Espagnols, à titre individuel (Espinosa, 2001).

En 1539, les territoires alentour du Nevado de Toluca (Toluca, Zinacantepec et Almoloya de Juarez) furent octroyés à l’officier Alonso de Avila qui y développa l’élevage (Jarquín, 2004). Une des familles les plus représentatives de la Vallée de Toluca, les Sámano, augmenta la superficie de l’hacienda jusqu’au début du XVIIIe siècle, formant une exploitation de 65 000 hectares.

En 1663, l’hacienda reçut le nom de « La Gavia », car la forme de son territoire rappelait celle de la plus grande voile des navires espagnols, nommée gavia. La propriété connut ensuite plusieurs propriétaires jusqu’en 1717, année où elle fut achetée par les jésuites qui possédaient des terres adjacentes et détinrent alors une propriété de 136 000 hectares. En 1767, les jésuites furent expulsés de la Nouvelle Espagne et l’hacienda changea une nouvelle fois de propriétaire (Urbiola, 2003).

Hacienda La Gavia



L’indépendance

L’indépendance du Mexique a été déclarée en 1810. Tout au long du XIXe siècle, la principale préoccupation des différents gouvernements fut d’évincer les propriétés collectives afin de renforcer la propriété privée.
Dans la vallée de Toluca, aucun village indigène n’a pu conserver son conseil municipal comme forme de gouvernement légal.

Tableau célébrant le bicentenaire de l’Indépendance mexicaine (1810-2010) au municipio de Coatepec Harinas

La Révolution mexicaine

La réforme agraire mexicaine trouve son origine dans la révolution qui ordonna la restitution des terrains ayant été intégrés aux haciendas. Entre 1917 et 1992, des terres furent octroyées en usufruit aux paysans tout en demeurant la propriété de la nation (Warman, 2003). L’ejido s’est développé comme une institution forte de l’organisation rurale mexicaine, présentant des aspects démocratiques et portant des valeurs résiduelles d’une idéologie égalitaire et solitaire (Warman, 2003).

Concernant l’hacienda La Gavia, le processus de restitution des terres aux communautés indigènes (bienes comunales) et de dotation des terres aux groupes de paysans (ejidos) eut lieu principalement sous le gouvernement de Cárdenas, de 1934 à 1940 (Jarquín, 2004). À l’intérieur de ces bienes comunales et de ces ejidos, l’exploitation peut-être individuelle ou collective selon les activités développées (les terres agricoles sont généralement exploitées de manière individuelle, tandis que les forêts et les pâturages sont utilisés de manière collective).

Tableaux célébrant le centenaire de la Révolution mexicaine (1910-2010) au municipio de Coatepec Harinas

Tableaux célébrant le centenaire de la Révolution mexicaine (1910-2010) au municipio de Coatepec Harinas



La réforme agraire de 1992

Au début des années 1990, le système ejidal fut fortement mis à l’épreuve par les réformes néolibérales menées par le Gouvernement de Salinas de Gortari (1988-1994).

La nouvelle réforme agraire de 1992 avait comme objectif de renforcer la sécurité foncière et par conséquent de déconstruire la logique de propriété sociale, afin d’attirer de nouveaux investissements dans le secteur rural et de stimuler la production agricole.

Les ejidos eurent alors la possibilité de se diviser les terres agricoles en parcelles individuelles qui devenaient dès lors aliénables (DOF 1992). En revanche, les terres forestières ejidales restaient indivisibles et, dans le cas de la dissolution d’un ejido, elles devenaient propriété de l’État fédéral (DOF 1992). Les communautés indigènes n’étaient pas concernées sauf si elles décidaient de se transformer en ejido. Dans le cas du parc national, aucun ejido n’a opté pour la dissolution totale.

Finalement, même si l’aire protégée du Nevado de Toluca est d’intérêt public, elle porte sur des terres dont la propriété est majoritairement communautaire (environ 80 %). Les 20 % restant de la superficie de l’aire protégée sont répartis entre propriété privée (16 %) et propriété fédérale (4 %).

Distribution des terres aux ejidos avant et après la création du parc

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