Des phénomènes de violences dans le Nevado de Toluca (d’après enquêtes de terrain dans les communautés)

Le Mexique est le 3e pays au monde pour le nombre de morts par homicides en 2010 (United Nations Office on Drugs and Crime, 2010), mais il se situe aussi dans la moyenne à l’échelle de nombreux pays en développement. Depuis 2006, les chiffres de la violence meurtrière ont explosé au Mexique suite au lancement de la « guerre » contre la drogue par le Président Calderon. Cependant, les États connaissent des niveaux de violence différents selon un gradient nord-sud : le nord, notamment frontalier, est plus violent que le sud (sauf l’État de Guerrero). De plus, il faut noter que la géographie de la violence est une géographie ponctuelle : les phénomènes de violences répondent à des actes ponctuels qui sont liés bien souvent à des conjonctures spatiales et temporelles particulières. Il y a donc une réalité vécue de la violence qui peut parfois s’éloigner des cartes statistiques de la violence.

En 2008, le Mexique est devenu le 3e producteur mondial d’héroïne et les revenus de la drogue représenteraient entre 2 et 3 % du PIB mexicain, faisant de la drogue un pilier important de l’économie mexicaine. Les premiers cartels qui contrôlent les opérations de trafic de drogue se sont structurés dans les années 1980-1990 du fait du démantèlement des cartels colombiens et du renforcement du contrôle états-unien de la frontière. En 2006, la « guerre » contre la drogue a entrainé la militarisation des cartels et l’émergence d’un climat de terreur. De plus, l’argent issu de la drogue a infiltré tous les secteurs économiques et politiques du pays, alimentant la violence et une corruption généralisée : 70 % du territoire national serait sous influence plus ou moins directe des cartels et 10 % des communautés du pays sous leur contrôle total (Carroué, Collet, 2012).
La région du Nevado de Toluca reste encore largement à l’abri de ces vagues de violences meurtrières et ultra-médiatisées liées à la « guerre » contre la drogue. Il n’en reste pas moins que la violence est un phénomène présent dans les communautés du Nevado, sous différentes formes qui touchent les communautés avec des intensités diverses. Assassinats, séquestrations ou extorsions restent des cas souvent isolés, mais qui, si l’on en croit les habitants, semblent en augmentation ces dernières années. Ce constat est partagé par la majorité des interlocuteurs que nous avons interrogés dans les communautés, qui citent principalement trois cartels présents dans la région, les Zetas, les Caballeros Templarios et la Familia Michoacana. Ainsi, la présence des grands groupes criminels change peu à peu de nature : auparavant, ils ne faisaient que traverser les communautés, pour se rendre à Toluca par exemple ; désormais, ils s’y installent davantage, et trouvent refuge dans certains villages. Il semblerait que plus les communautés sont proches de Toluca, plus elles semblent à l’abri des phénomènes de violence. En plus des revenus de la coupe de bois, les cartels tirent profit de l’isolement de certaines zones accidentées et peu parcourues du parc pour y établir des bases. D’où une présence plus régulière des groupes criminels, et un sentiment d’insécurité croissant chez les habitants, qui débouche sur des couvre-feux de fait à partir de 20 h dans plusieurs communautés. Mais tous déplorent l’inaction de la police, aux effectifs insuffisants, et des pouvoirs publics, dont la volonté de combattre ces actions illégales est parfois mise en doute par les habitants des communautés les plus exposées aux violences.

Les violences familiales, un problème à combattre

À cette violence spectaculaire s’ajoute une violence du quotidien, omniprésente, et plus uniformément diffuse dans les communautés du parc. Le machisme est très présent dans la région, et donne lieu à de nombreux faits de violences familiales, contre les femmes et les enfants en premier lieu. S’il est difficile de faire parler les habitants à ce sujet, les élus sont plus prolixes à ce sujet, pris au sérieux par les pouvoirs publics, comme en témoigne la mise en place de programmes de sensibilisation à la violence de genre, comme à San Juan de las Huertas. Ce n’est pas pour autant que la situation s’améliore si l’on en croit les habitants, l’une des personnes enquêtées a pu souligner la pression sociale qui oblige les femmes, même battues, à rester vivre avec leur mari. Enfin, la délinquance prospère aussi dans la majorité des communautés, avec des rixes et règlements de compte réguliers, et des cambriolages, souvent réalisés par des enfants de ces mêmes communautés, ou voisines.
Les programmes contre les violences familiales : plusieurs communautés mettent en place des programmes de sensibilisation, comme dans le municipe de Zinacantepec, ou à Los Cajones. Des réunions non mixtes sont ainsi organisées pour permettre à chacun de faire part de ses expériences. Cependant, la plupart de ces initiatives souffrent d’un problème récurrent : le manque d’intérêt des habitants. Ainsi, les réunions sont souvent annulées faute de participants, certaines sont réservées aux hommes et consacrées au machisme, mais il arrive que personne ne s’y présente. Comme l’explique le delegado d’une des communautés enquêtées, « évidemment il y a de la violence partout, mais les gens ne veulent pas en parler, et encore moins s’exposer en public ».

« Ils assassinent un conducteur de taxi » (« Asesinana Taxista ») Couverture du quotidien Metro, le 21 octobre 2013, qui titre sur l’assassinat d’un chauffeur de taxi à Zinacantepec, dans le cadre d’un règlement de comptes suite à un adultère.

Les groupes criminels




Bibliographie

  • Ghorra-Gobin C., Musset A., 2012, Canada, Etats-Unis, Mexique, Sedes
  • Labrousse A., 2002, Dictionnaire géopolitique des drogues. La drogue dans 134 pays. Productions, trafics, conflits, usages, Ed. De Boeck
  • Musset A., 2010, Le Mexique, Puf, Que sais-je ?
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